Le développement de l’euro numérique est un projet d’une grande envergure qui va bien au-delà de la simple mise en œuvre technique. Il est impératif que sa création soit accompagnée de modifications législatives cohérentes pour garantir son intégrité et son succès à long terme.
L’euro numérique n’a pas été pensé sous tous ses aspects
Selon l’Institut de la Finance Internationale (IIF), un organisme de recherche économique, plusieurs aspects de ces lois se révèlent encore incomplets. L’IIF a mené une analyse approfondie de sept domaines clés liés à l’euro numérique et a constaté que six d’entre eux présentent des lacunes substantielles. Pour une vision exhaustive, le rapport complet est disponible sur le site officiel de l’IIF.
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Parmi les critiques formulées à l’encontre des versions actuelles des projets de loi, l’IIF souligne que les Prestataires de Services de Paiements (PSP) pourraient se trouver dans une position délicate. Ils seront tenus de fournir un accès gratuit à la Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC) développée par la BCE, tout en étant incapables de répercuter les coûts considérables liés à l’implémentation de cette nouvelle monnaie numérique sur les utilisateurs.
Manque de confiance des banques et infraction de la vie privée : l’euro numérique inquiète
Ces contraintes pourraient décourager les banques, qui risquent de voir leur rôle se réduire à de simples exécutants, perdant ainsi la capacité de créer de la monnaie nouvelle. L’euro numérique serait entièrement émis et géré par la BCE, ce qui pourrait progressivement entraîner une perte de souveraineté pour les banques nationales et locales.
Concernant la protection de la vie privée, l’IIF soulève des préoccupations quant aux procédures d’accès à l’euro numérique et à la collecte de données personnelles qui en découlera. Il est probable que les banques, qui disposent déjà d’informations sur leurs clients, appliqueront des règles similaires à celles en vigueur pour l’ouverture de comptes bancaires traditionnels.
L’euro numérique est-il un projet mort-né?
Cependant, une question cruciale demeure : dans quelle mesure l’arrivée de l’euro numérique pourrait-elle servir de nouvel instrument de contrôle des fonds des clients, notamment dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB-FT) ? La croissance exponentielle des services de conformité et de lutte contre le blanchiment d’argent au sein des établissements bancaires suscite des inquiétudes quant à une possible intrusion dans la vie privée des clients.
Enfin, l’IIF estime que la BCE ne devrait pas exercer à elle seule les rôles d’émetteur, d’administrateur et de gestionnaire de l’euro numérique. Cette concentration de pouvoirs soulève des préoccupations évidentes en matière d’intégrité et de conflits d’intérêts. Ces questions complexes n’ont pas encore été résolues dans les projets de loi actuels.
Il est essentiel que les remarques pertinentes formulées par l’IIF soient prises en considération par la BCE lors de la finalisation de ces textes législatifs. L’enjeu est de taille, et il est impératif de trouver des solutions viables pour garantir le succès de l’euro numérique tout en préservant les intérêts des parties prenantes. La pression est forte, et certains chercheurs estiment que le retard accumulé par l’Europe sur ce sujet pourrait compromettre la viabilité même du projet. Il est donc primordial de trouver un équilibre entre innovation et régulation pour que l’euro numérique puisse prospérer.